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A Singer Must Die

« Faire de la musique, c’est peut-être un des bons moyens de se rapprocher progressivement de soi », affirme Manuel Ferrer, auteur-compositeur interprète et fondateur du groupe A Singer Must Die.
Si les ombres bienveillantes de songwriters talentueux surgissent au premier plan, de Neil Hannon aux Smiths, de Syd Barrett à Jarvis Cocker, d’Elliott Smith à Scott Walker, ce n’est pas pour rien que l’on prête au musicien français des dizaines d’autres références. Essayez de rattacher une de ses chansons à une quelconque influence, et la suivante viendra tout à fait démentir les pistes balisées que vous venez de tracer, sans que l’identité qui définit le songwriter ne soit aucunement remise en cause.
Sa musique laisse libre cours à une créativité qui semble traverser la galaxie pop : « Beaucoup de musiciens déclarent fuir leurs influences et essaient de s’en extraire pour pouvoir composer leurs chansons, ce que je n’ai jamais cherché à faire », confie le chanteur. « Au contraire, j’ai plutôt l’impression de faire s’entrechoquer mes modèles, sans que cela ne soit toujours conscient d’ailleurs – et de les aborder de manière frontale pour tenter d’en sortir quelque chose de personnel. » Une admiration qui balaie avec humilité la question des influences, et qui lui permet de creuser cette singularité qui rend cette musique à la fois originale et si familière.

Créé initialement sous la forme d’un duo avec Philippe Le Guern, la composition du groupe fluctue au gré des albums et concerts et devient en 2015 l’aventure solo de Manuel Ferrer. A Singer Must Die – qui tient son nom d’une chanson pamphlétaire de Léonard Cohen – se fait rapidement repérer outre-Manche et compose son premier album en 2007, « Today, It’s A Wonderful Day », publié sur le label indé écossais Grand Harmonium Records.
Salué par la critique et remarqué par ses qualités de storytelling, le disque s’exporte en Angleterre pour quelques sessions radios à la BBC et une série de concerts sous l’œil de Chris Carr, agent de renom qui a notamment travaillé avec Depeche Mode, The Cure ou Nick Cave.
Ce premier album que l’on ne trouvait que dans les bacs des disquaires anglais (le disque non distribué en France n’était disponible ici qu’en import) était à l’image de ce parfum britannique, et en particulier le reflet transfiguré de Newcastle. C’est dans cette ville atypique que les musiciens s’installent un temps : à la fois excentrique et pudique, mais terriblement attachante.

Perçu à juste titre comme un disque de contrastes, entre un lyrisme parfois teinté d’ironie – l’orchestral « Croydon Road » était d’ailleurs dédié à la ville tumultueuse – et des ballades pianistiques d’une profonde mélancolie, la presse britannique attribue à M. Ferrer un lointain point d’ancrage en la figure de Noël Coward. Elevé en référence par un certain Mc Cartney, le dramaturge, acteur, chanteur et musicien britannique flamboyant des années 30 à 50 provoque chez le chanteur français un étonnement enjoué : « J’étais surpris qu’on ait pu trouver cette similitude, m’imaginant chanter assis dans un beau fauteuil, verre de whisky et cigare à la main » s’amuse-t-il. « Moi qui ai grandi avec pour seule vision de ma fenêtre des HLM dans un quartier populaire d’Angers…Je ne suis loin d’être un grand voyageur, et ce sont peut-être ces barres d’immeubles au quotidien qui m’ont invité à aller voir au-delà, à propulser l’imaginaire, à poser un regard distancié sur les choses. Mon séjour à Newcastle m’a profondément marqué, j’y ai trouvé une résonance intime, dans cette ville assez rude qui produit paradoxalement des artistes pop très romantiques. » Cet « englishness » – à l’instar d’un jeune Bowie – apparaît aussi dans l’écriture-même de M. Ferrer, qui surprend par le mélange de plusieurs niveaux de langue – là où les expressions populaires côtoient les tournures sophistiquées et poétiques – et par la complexité des sentiments, de la vie et ses aléas.

En 2008, il se produit sur scène en expérimentant aux côtés du compositeur Tomasz Jankowski des formules intimistes inhabituelles comme autant de symphonies de poche, où guitares saturées, cor anglais et flûte traversière se répondent. Pas de sortie discographique issue de cette période mais la chanson « God Elvis » au clip étonnant entre dans la programmation de Stephen Mc Cawley sur la BBC, un titre qu’il qualifiera de « brilliant ».

Repéré par le photographe rennais Jérôme Sevrette – qui réalise fidèlement depuis leur rencontre toutes les photos de presse, d’album et de concerts d’A Singer Must Die – Manuel Ferrer participe à « Terres Neuves », un projet d’ampleur sorti en 2013 (Les Éditions de Juillet). Basé sur un livre composé de ses photographies, il convie écrivains et musiciens à donner leur vision conceptuelle de ces photos : Renaud Pion, Oliver Mellano, Richard Pinhas, ou encore And Also The Trees participent à cette aventure. Séduit par les travaux hors-normes et le projet du photographe, A Singer Must Die enregistre à cette occasion l’onirique « The Armless Sailor ».
L’espace de compositions fantasques et baroques deviendra le terrain de « Venus Parade & More Songs Beyond Love », sorti fin 2014, distribué par Modulor. « A Singer Must Die a fait infuser son cocktail de théâtre et de comédie musicale dance-hall dans un esprit frappeur indie, ils sont allés là où aucun autre groupe n’avait encore osé s’aventurer », souligne le journal britannique Ellis Manhattan News.
Un « Venus Parade » lumineux, aux sonorités délicates, parfumées d’une fraîcheur arborant des images en format 16/9, un chant aux textes amples et profonds, creusés dans le classicisme soigné des arrangements. Cet album composé et arrangé avec Manuel Bichon vient bousculer les contours de l’architecture pop Made In France : en point d’orgue, un concert symphonique à 30 musiciens avec l’Orchestre de Chambre d’Anjou, donné en avril 2015 au Grand Théâtre d’Angers devant 700 personnes. Pour l’occasion, Manuel Ferrer invite l’américain Kramies à ouvrir la soirée. La prestation, enregistrée par France Inter pour l’émission « L’Album de minuit » d’Alain Maneval, bénéficiera également d’une captation multi-caméras.
« Venus Parade » trouve un écho retentissant jusque dans les colonnes du prestigieux magazine new-yorkais The Big Takeover Magazine qui salue un album « absolutely enchanting, gentle and sublime » et diffuse en exclusivité un clip de ce concert-événement sur son site web.

Retour aux « sources » en mai 2015 pour une série de concerts en Grande-Bretagne, de Londres à Newcastle, aux côtés des mythiques Band of Holy Joy et des talentueux Morton Valence.

Ian Caple, responsable de productions devenues de fortes références (Tindersticks, le « Fantaisie Militaire » d’Alain Bashung, The Divine Comedy, Suede, Tricky, Yann Tiersen, Emilie Simon,…) ne s’y est pas trompé en repérant aussitôt les démos du groupe, et en proposant de prendre en main le mixage de cet album. De quoi sublimer ces chansons en leur offrant l’écrin idéal, façonné dans la brume et la campagne des Studios Yellowfish en Grande-Bretagne. Le plus francophile et fin connaisseur des producteurs britanniques mentionne sans réserve les qualités d’audace d’A Singer Must Die : « Ils renouent avec l’esprit de cette frénésie d’ambition et d’aventure qu’ont porté certains grands groupes, avec cette vision généreuse de prendre une simple pop song et de l’enrichir, de la grandir avec des grands orchestrations et des symphonies de poche en poussant les limites de leurs possibilités. Je trouve qu’il s’agit là d’une aventure assez unique en France ».